POURQUOI LES HOMMES ORTHODOXES AIMENT L'ÉGLISE. Beaucoup d'hommes ne parviennent pas à aimer l'église, mais les hommes orthodoxes si !


À une époque où les églises de toutes sortes sont confrontées au Syndrome de la fuite des mâles (Vanishing Male Syndrome), les hommes font [en revanche] leur apparition dans les églises orthodoxes orientales en nombre tel que, si ce n’est pas numériquement impressionnant, c’est tout de même proportionnellement intrigant. C’est peut être la seule église qui attire et retient les hommes en nombre égal aux femmes. Comme l'a écrit Leon Podles dans son livre de 1999, «L'Église Impuissante : La féminisation du Christianisme», «Les Orthodoxes sont les seuls chrétiens qui écrivent de la musique d’église pour « basso profondo », ou qui en ont besoin ».
Plutôt que de tenter de deviner la raison de ce fait ; j’ai envoyé des emails à une centaine d'hommes orthodoxes, dont la plupart ont rejoint l'Église à l’âge adulte. [Et je leur ai posé la question :] "Qu'est  qui fait, pensent-ils, que cette église est particulièrement attrayante pour les hommes ?" Leurs réponses, ci-dessous, peuvent donner quelques idées aux responsables d'autres églises, qui sont à la recherche de moyens pour garder les hommes dans l'église.

Défis. Le terme le plus couramment cité par ces hommes était «relever un défi». L'Orthodoxie est «active et non passive» ; «C’est la seule église où vous êtes tenus de vous adapter, plutôt qu’elle ne s‘adapte à vous.» «Plus cela fait longtemps que vous y êtes, plus vous vous rendez compte qu'elle est exigeante à votre égard.»

« L’absolu  investissement physique demandé par le culte orthodoxe » fait partie de l'appel. Les fréquents jours de jeûne sans viande ni produits laitiers, « se tenir debout pendant des heures jusqu’à la fin, effectuer des prosternations, s’abstenir de nourriture et d'eau [avant la communion] ... Lorsque vous parvenez à la fin d’un office vous sentez que vous avez été confronté à un défi. » «L'Orthodoxie fait appel à la volonté de l’homme pour la maîtrise de soi par la discipline. »

« Dans l'Orthodoxie, le thème du combat spirituel  est omniprésent : les saints, y compris les femmes, sont de saints lutteurs. La lutte exige courage, endurance et héroïsme Nous sommes appelés à être des« lutteurs » contre le péché, à être des « athlètes » comme le dit Saint Paul. Et le prix est décerné au vainqueur. Le fait que vous devez «lutter» pendant le culte en vous tenant debout tout au long de longs offices est en soi un défi que les hommes sont prêts à relever. »

Un converti de fraiche date résume cela : «L'Orthodoxie est sérieuse. Elle est difficile. Elle est exigeante. Il y est question de miséricorde, mais aussi de dépassement de soi-même. Je suis mis au défi d'une manière profonde, non de « me sentir bien dans ma peau », mais de devenir saint. Elle est rigoureuse, et dans cette rigueur je trouve la libération. et vous savez, il en va de même pour ma femme.»

Clarté de la discipline. Plusieurs ont mentionné qu'ils ont vraiment apprécié que le contenu de ces défis soit clair et que ce qu'ils étaient censés faire soit clair également. « La plupart des gars se sentent beaucoup plus à l'aise quand ils savent ce qu'on attend d'eux. » «L'Orthodoxie présente un ensemble raisonnable de limites. » « Il est plus facile pour les "gars" de s’exprimer dans le culte s’il y a des lignes directrices sur la façon dont on est censé œuvrer, surtout quand ces directives sont si simples et terre-à-terre que vous pouvez vous tenir prêt et commencer à faire quelque chose. »


Choeur d'hommes, séminaristes

 «Les prières que l'Église met à notre disposition – prières  du matin, prières du soir, prières avant et après les repas, et ainsi de suite – donnent aux hommes un moyen de s’engager dans la spiritualité sans se sentir mis sur la sellette, ou s’inquiéter avec un air stupide parce qu'ils ne savent pas quoi dire. »
Ils apprécient l'apprentissage d’actions physiques claires faites pour former le caractère et la compréhension. «Les gens commencent à apprendre immédiatement par le rituel et le symbolisme, par exemple, en faisant le signe de la croix. Ce régime de discipline rend la personne consciente de sa relation à la Trinité, à l'Église, et à tous ceux qu'elle rencontre. »

Un objectif. Les hommes apprécient également que ce défi ait un objectif : l'union avec Dieu. Quelqu’un a dit que dans une église précédente «J'avais l'impression que je n’allais nulle part dans ma vie spirituelle (ou bien qu'il n'y avait nulle part où aller – j’étais déjà ailleurs n’est-ce pas ?) Mais quelque chose, je ne sais quoi, manquait.  N’y avait-il rien que je dusse faire, Seigneur? »

L’Orthodoxie conserve et transmet une antique sagesse chrétienne sur la façon de progresser vers cette union, que l’on appelle «déification». Chaque sacrement ou exercice spirituel est conçu pour amener la personne, corps et âme, plus loin dans une sensibilisation continue de la présence du Christ à l’intérieur de soi, et également chez tout autre être humain. Comme un tissu devient saturé de teinture par osmose, nous sommes imprégnés de Dieu par la theosis.

Un catéchumène a écrit qu'il trouvait les icônes bien utiles pour résister à des pensées indésirables.     «Si vous fermez simplement les yeux sur quelque tentation visuelle, il y a [malgré tout encore] beaucoup d'images en réserve pour vous causer des problèmes. Mais si vous vous entourez avec des icônes, vous avez le choix entre regarder quelque chose qui suscite la tentation ou quelque chose de saint.»

Un prêtre écrit, «Les hommes ont besoin d'un défi, d’un objectif, peut-être d’une aventure – l’équivalent archaïque d’une chasse. Le christianisme occidental a perdu l'ascèse, qui est l'aspect athlétique de la vie chrétienne C’est l’objectif du monachisme, dont l’essor à l'Est est en grande partie le fait d'hommes. Les femmes sont entrées dans la vie monastique dans la même optique, et nos hymnes anciennes parlent encore des femmes martyres comme ayant fait preuve d’un «courage viril. » 
"L’orthodoxie met l'accent sur le faire. .... Les gars sont orientés vers l'activité."

Pas de sentimentalité. Dans «L'Église Impuissante, », citée ci-dessus (et recommandée par plusieurs de ces hommes), Leon Podles propose une théorie sur la façon dont la piété chrétienne occidentale s’est féminisée. Dans les 12e-13e siècles, un courant de dévotion particulièrement tendre, voire érotique s’est développé qui a invité le ou la fidèle à se voir soi-même individuellement (plutôt que l'Église dans son ensemble) comme l'épouse du Christ. Ce « Mysticisme nuptial » a été adopté avec enthousiasme par les femmes pieuses, et a laissé une empreinte durable sur le christianisme occidental. Il est compréhensible qu’il ait eu moins d'attrait pour la gent virile. Pendant des siècles, en Occident, les hommes qui ont choisi le sacerdoce ont été, de manière stéréotypée, perçus  comme efféminés. Un laïc orthodoxe de longue date dit que, de l'extérieur, le christianisme occidental lui apparaît comme « une histoire d'amour écrite pour les femmes par des femmes. » 

L'Église d'Orient a échappé au « Mysticisme nuptial »  parce que la grande division entre l'Est et l'Ouest avait déjà eu lieu. Les hommes qui m'ont écrit ont exprimé une franche aversion pour ce qu'ils perçoivent comme un doux Jésus occidental. Le christianisme américain s’est féminisé ces deux cents dernières années. Il présente Jésus comme un ami, un amant, quelqu'un « qui marche avec moi et parle avec moi ». C’est une imagerie extatique bonne pour des femmes qui ont besoin d'une vie sociale. Ou ce christianisme montre un Jésus fouetté, puis mort sur la croix. Ce n’est pas non plus le type de Christ avec lequel le mâle typique a bien envie d’avoir à faire. »
Pendant le culte, «les hommes ne veulent pas prier à la mode occidentale, les mains jointes, les lèvres serrées, avec une expression de visage de sérénité forcée. » «C’est les gars se tenant les mains avec d'autres gars et chantant des chansons de feu de camp. » « Des lignes sur tendre la main pour son étreinte», «vouloir toucher son visage » tout en étant «submergé par la puissance de son amour » ce sont, pour un homme, des chansons difficiles à chanter à un autre homme."

« Un de mes amis m'a dit que la première chose qu'il fait quand il entre dans une église est de regarder les rideaux. Cela lui dit qui prend les décisions dans cette église, et le type de Chrétiens qu’ils veulent attirer. »

«Les gars veulent soit être mis au défi de se battre pour une cause glorieuse et honorable, et « se salir les mains » dans le processus, ou alors  flemmarder dans nos fauteuils inclinables avec beaucoup de bière et des pizzas pour les matches de football. Mais la plupart des églises veulent que nous nous comportions comme des gentlemen bien élevés, conservant nos mains et notre bouche impeccablement propres. »

Un homme a dit que le culte dans son église pentecôtiste avait été «largement une expérience émotionnelle. Des sentiments. Des larmes. La répétition de la consécration de sa vie au Christ, dans d’importants groupes émotionnels. Chanter des chansons émotionnelles, oscillant les mains en l'air. Même la lecture de l’Écriture était censée produire une expérience émotionnelle. Je suis fondamentalement quelqu’un qui agit, je veux faire des choses, et non parler de mon cheminement ou la partager avec eux de manière théâtrale! En tant qu’homme d'affaires, j’ai appris que rien dans les affaires ne vient sans effort, énergie, et investissement. Pourquoi en serait-il autrement dans la vie spirituelle ? »

Un autre, qui a visité les églises catholiques, dit, qu’«Ils étaient conventionnels, peu enclins à l’effort , et modernes, quand ma femme et moi cherchions quelque chose de traditionnel, de dur et contre-culturel, quelque chose d'antique et de martial. » Un catéchumène dit que dans son église non-confessionnelle « le culte était peu profond, organisé au petit bonheur, bricolé à partir de toutes les nouveautés ; parfois, nous devions rester debout, parfois, nous nous asseyions, sans rime ni raison. J’ai alors commencé à penser que des fondements plus enracinés dans la tradition seraient bien profitables. »

«Cela m'a rendu furieux lors de mon dernier mercredi des cendres lorsque le prêtre a prononcé une homélie sur la prétendue vraie signification du Carême qui serait d'apprendre à nous aimer nous-mêmes davantage. Il m'a forcé à me rendre compte à quel point j’étais complètement malade du christianisme américain  bourgeois, et préoccupé par son bien-être. »


Un prêtre d’origine convertie dit que les hommes sont attirés par l'élément dangereux de l'orthodoxie, qui implique « l'abnégation d'un guerrier, le risque terrifiant d'aimer ses ennemis, les frontières inconnues auxquelles un engagement à l'humilité peut nous appeler. En perdant une des ces caractéristiques dangereuses et nous devenons le «Jo-Ann Fabric Store» des églises : de belles couleurs et une clientèle très comme-il-faut ".

«Les hommes deviennent plutôt cyniques quand ils sentent que quelqu'un tente  de manipuler leurs émotions, surtout quand c’est au nom de la religion. Ils apprécient l'objectivité du culte orthodoxe. Il n’est pas destiné à provoquer des sentiments religieux, mais à accomplir un devoir objectif. »

Photo par Alexander Osokin 

Il y a cependant quelque chose dans l'Orthodoxie qui offre « une romance profondément masculine. Vous comprenez ce que je veux dire par là? La plupart des romances  à notre époque sont à l’eau de rose, mais il s’agit là d’un roman de capes et d'épées et de bravoure. »

D’un diacre: "Les églises évangéliques appellent les hommes à être passifs et agréables (pensez à « M. Rogers ») les églises orthodoxes appellent les hommes à être courageux et à agir (pensez à «Braveheart »)..

Jésus-Christ. Ce qui attire les hommes à l'Orthodoxie n’est pas simplement ce qui est leur offre un défi ou quelque chose de mystérieux. Ce qui les attire est le Seigneur Jésus-Christ. Il est le centre de tout ce que l'Eglise fait ou dit.

Contrairement à certaines autres églises, « L'Orthodoxie offre un Jésus fort» (et même une puissante Vierge Marie, et d'ailleurs, saluée dans une hymne comme «notre capitaine, Reine de la guerre»). Plusieurs ont utilisé le terme «martial» ou ont comparé l'Orthodoxie au « Corps des Marines » du christianisme. (La guerre se fait  contre le péché de l’auto-destruction et les puissances spirituelles invisibles, pas contre d'autres personnes, bien sûr.)

Quelqu’un a souligné le contraste entre cette qualité de «puissance» et «les images féminisées de Jésus avec lesquelles j’ai grandi. Je n’ai jamais eu un ami qui n’aurait pas déployé des efforts sérieux pour éviter de rencontrer quelqu'un qui ressemblait à ça.» Bien qu’attiré par Jésus-Christ quand j’étais adolescent, « j’ai eu honte de cette attraction, comme si c’était quelque chose qu’un garçon américain au sang rouge ne devrait pas prendre au sérieux, presque équivalent à jouer avec des poupées. »

Un prêtre écrit : "Le Christ dans l'Orthodoxie est un militant, Jésus maintient l'enfer en captivité. Le Jésus orthodoxe est venu jeter le feu sur terre ( Les mâles peuvent se relier à cela) Dans le Saint Baptême, nous prions pour les guerriers nouvellement enrôlés du Christ, hommes et femmes, afin qu'ils puissent «demeurer à jamais des guerriers invincibles."

Après plusieurs années dans l'Orthodoxie, un homme trouve un office de chants de Noël dans une église protestante «choquant, même épouvantable. » Comparé aux hymnes orthodoxes de la Nativité du Christ, « le petit Jésus endormi sur le foin » n’a presque rien à voir avec le Logos éternel entrant inexorablement, silencieusement, voire héroïquement, dans le tissu de la réalité créée. »

Continuité. Beaucoup de convertis orthodoxes plutôt enclins à la chose intellectuelle ont commencé par la lecture de l’histoire de l'Église et des premiers auteurs chrétiens, et ont été de plus en  plus convaincus. Pour finir, ils ont eu à faire à la question de savoir laquelle des deux était la plus anciennes des églises, l'Église catholique romaine ou l'Église orthodoxe, et la réponse la plus convaincante fut que  l'Église orthodoxe était celle d'origine des Apôtres.

Un orthodoxe de longue date dit que ce que les hommes apprécient c’est « la stabilité : Les hommes trouvent qu'ils peuvent faire confiance à l'Église orthodoxe en raison de la tradition cohérente et continue de la foi,  maintenue à travers les siècles. » Un converti dit, « L'Église orthodoxe offre ce que d'autres ne font pas : La continuité avec les premiers disciples du Christ » C’est la continuité, et non l'archéologie; l'Église primitive existe encore, et vous pouvez la rejoindre.

« Ce qui m'a attiré était les promesses du Christ à l'Église à propos des portes de l'enfer qui ne prévaudront pas, et de l'Esprit Saint qui conduit dans toute la vérité et puis, une unité maintenue dans l'Orthodoxie, à travers l'histoire, de la foi, du culte et de la doctrine. » 

Un autre mot pour la continuité est «tradition». Un catéchumène écrit qu'il avait essayé d'apprendre tout le nécessaire pour interpréter correctement l'Ecriture, y compris les langues anciennes. « Je m’attendais à creuser mon chemin jusqu’à la fondation pour confirmer tout ce que j’avais appris. Au lieu de cela, plus j’ai creusé, plus tout me semblait de plus en plus faible. J’ai réalisé que j’avais acquis la capacité de manipuler la Bible pour lui faire dire à peu près tout je voulais. La seule alternative au cynisme était la tradition. Si la Bible était censée dire quelque chose, elle était censée le dire dans une communauté, avec une tradition pour guider la lecture. Dans l'Orthodoxie, j'ai trouvé ce que je cherchais.»

  Hommes à égalité. Un prêtre écrit : «Il y a seulement deux modèles pour les hommes : être       «viril» et fort, grossier, brut, macho, et probablement agressif, ou être sensible, gentil, réprimé  et Wimpy . Mais dans l'Orthodoxie, le masculin est lié avec le féminin ; c’est réel et terre à terre, «ni mâle ni femelle», mais le Christ qui « unit les choses dans le ciel et les choses de la terre. »

Un autre prêtre fait le commentaire suivant : s’il arrive au début que l'un des conjoints insiste davantage que l'autre pour que la  famille se convertisse à l'Orthodoxie   « lorsque les deux conjoints se confessent, au fil du temps, ils deviennent tous deux plus profonds et ni l'un ni l’autre ne domine dans la relation spirituelle. »

Les hommes dans le Leadership. Qu'on le veuille ou non, les hommes préfèrent tout simplement être dirigés par des hommes. Dans l'Orthodoxie, les femmes laïques font tout ce que font les hommes laïcs, y compris prêcher, enseigner, et présider le conseil de la paroisse. Mais derrière l'iconostase, autour de l'autel, ce sont tous des hommes. Un de ceux qui ont répondu à mon questionnaire a résumé ce que les hommes aiment dans l'Orthodoxie de cette façon: «Les barbes !»

« C’est le dernier lieu dans le monde où on ne dit pas des hommes qu'ils sont le mal, simplement parce qu’ils sont des hommes. » Au lieu de négativité, ils sont constamment entourés par des modèles positifs dans les saints, dans les icônes et le quotidien des hymnes et des histoires sur la vie des saints. C’est un autre élément concret que les hommes apprécient - il y a d'autres êtres humains réels à regarder, plutôt qu'un flou de termes éthérés. » « La gloire de Dieu est un homme vivant», dit saint Irénée. Un auteur ajoute que «La meilleure façon d'attirer un homme à l'Église orthodoxe est de lui montrer un homme orthodoxe."

Mais aucune chose secondaire, peu en importe la qualité, ne peut prendre la première place. « Une vie dangereuse n’est pas le but. Le Christ est l'objectif. Un esprit libre n’est pas le but. Le Christ est le but. Il est la figure de proue de l'histoire autour de laquelle tous les hommes et les femmes finiront par se rassembler, devant qui tout genou fléchira, et que toute langue confessera. "

      Numéro de décembre 2007 du magazine The Word 
28 / 10 / 2010
(version française par Maxime le minime)



Commentaires

Laurence Guillon a dit…
C'est très juste, moi aussi, bien que femme, j'ai découvert dans l'orthodoxie un christianisme qui n'était pas mièvre et nunuchon. Les prêtres et les moines orthodoxes n'ont pas l'air émasculé, ils sont virils et souvent très beaux.