La Communauté du désert et la solitude des villes [3] par Le moine Moïse de la Sainte Montagne
LA SOLITUDE NATURELLE : UN SANCTUAIRE DE LA CONNAISSANCE
- DE SOI ET DE DIEU
Moine Moïse l'Athonite (1952-2014) prie Dieu pour nous ! |
Il est un autre type de solitude – la solitude naturelle – qui n'est pas pathologique, mais créative, vivifiante, pleine de grâce. Elle est illustrée par la séparation naturelle du monde qu'instaurent les moines. Il s'agit d'une sorte de solitude à laquelle nous devrions tous consacrer beaucoup de temps. Nous devons être capables de nous retirer des foules bruyantes qui sont si superficielles, sources de tant de distraction, et si contre-productives – dans un repli qui procure santé, beauté et bien. Il est important que nous apprenions à nous fermer à la communication constante avec la foule, qui ne nous permet pas d'être seuls avec nous-mêmes et, par conséquent, ne nous rend pas capables d'être avec Celui qui est toujours en attente, le Logos incarné de Dieu. Nous devons prendre le temps de trouver la voie pour cet autre genre de
communication sacrée que permet la solitude naturelle. Et nous devons nous consacrer à cette connaissance soigneusement, avec un programme ordonné, discipliné.
S'il vous plaît gardez à l'esprit que nous ne parlons pas de ceux qui cherchent à échapper aux préoccupations
mondaines afin de se reposer, pour voir de beaux couchers de soleil, contempler le ciel étoilé. Ces activités ne sont pas spirituelles. Nous ne parlons pas non plus de ceux qui cherchent à méditer en utilisant des techniques d'origines douteuses pour obtenir des résultats douteux. Et nous ne discutons pas plus de ceux qui consacrent des moments fugaces à de superficielles rêveries et qui prétendent se repentir quand ils sont pris par quelques émotions sentimentales au souvenir des bêtises de leur jeunesse. Et nous ne parlons certainement pas de ceux qui sont pleins de bonnes intentions mais qui ont la naïveté de croire que la vie spirituelle de l’hesychia, la quiétude sacrée, consiste en promenades au bord de la mer avec un komboschoini (chapelet) à la main. Enfin,
nous ne parlons pas des touristes spirituels qui visitent les lieux saints et conversent hardiment avec les personnes saintes, mais qui ne renient pas leur ego ni ne sacrifient leur volonté. De telles activités ne sont que de superficielles tentatives d'évasion de la vie, au travers d’une profonde rêverie et d’une capricieuse imagination.
Ce dont nous parlons, c’est de l’hesychia, de la quiétude sacrée – réalisée avec un effort ascétique - qui nous libère de la
solitude du monde, même si nous nous trouvons nous-mêmes dans une ville bruyante ou une famille en désordre. Nous parlons de la persévérance et de la patience qui nous aident à sonder les racines les plus profondes de notre existence et à comprendre ses limites, et qui dissipent les ténèbres qui nous épuisent et nous découragent.
Nous devons apprendre à prier. Nous avons besoin de veilles, de vigiles - une vigilance constante dans une posture immobile et dans le calme.
Quand je suis près de Dieu qu’ai-je à craindre? Il m'a guidé à l'endroit où je peux être guidé par Lui.
Sans attente vis à vis des amis et des connaissances – amèrement désabusé par les arts, les technologies, les idéologies – ayant perdu tout intérêt pour le bavardage en société et les codes sociaux vides de sens – j’approche le privilège du désespoir. Je deviens conscient que, dans ma nudité, Dieu Lui-même est là pour me revêtir d’une authentique espérance. Et dans ce miracle la Toute Sainte et tous les saints sont présents pour apporter leur soutien.
Dans cette solitude naturelle – cette solitude divine – je trouve l’assistance. Les masques d'acteur que j'avais ressenti la nécessité de porter – ou qui m’avaient été imposés – ont été mis au rebut.
J’étais dans un triste état. Chaque
soir, j'avais besoin d'aller à une autre réunion, de faire partie d’un autre groupe, car je devais être intégré quelque part. je changeais constamment de masque. Maintenant, cependant, en me repliant sur moi, je commence à vivre, à prendre conscience que je suis un enfant de Dieu, pour dévoiler mon identité unique et irremplaçable, mon visage, ma personne. Je commence à observer les activités des passions. Je peux voir mes forces et mes limites. Je suis racheté des erreurs, des fantasmes, des excès, et de l'apathie et de l’indolence.
Une ferme détermination permet de guider nos pas vers ce sanctuaire solitaire de la connaissance de soi et de Dieu. Dans ce sanctuaire de la solitude, la solitude qui avait été crainte devient délice. Car la personne qui est avec Dieu ne peut jamais être seule, car elle est en dialogue avec elle-même et avec Dieu. Ici, nous nous trouvons nous-mêmes avec moins
d'individualisme, et un plus grand amour pour les autres. Nous trouvons des larmes pour la douleur et la souffrance de nos frères et sœurs, et la force de redoubler d'efforts pour les aider. Car la voix qui émerge des profondeurs de la
personne solitaire traverse les nuages et atteint le Dieu Un et Trine, qui écoute toujours et répond toujours.
(version française par Maxime le minime de la source)
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