Démolition de notre patrimoine et mauvaise foi de nos élus...

Ce n'est pas parce que les catholiques ne vont plus à l'église que le patrimoine doit être détruit !
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Victor Delefortrie
Eglise Saint-Jacques d’Abbeville
Vue du chevet avec un vitrail brisé
État le 7/5/10
Photo : Didier Rykner
Alors que la démolition de l’église Saint-Jacques d’Abbeville se poursuit, la lecture sur internet des commentaires des quelques articles que la presse consacre à ce désastre montre une population partagée entre deux sentiments : la révolte contre un tel vandalisme, et une résignation. Certains regrettent la démolition mais affirment que le maire de la ville, Nicolas Dumont, n’avait aucune autre solution car il s’agissait d’une question de sécurité.
Nous nous sommes rendu dans cette ville en mai 2010 pour écrire notre premier article sur l’église Saint-Jacques. Notre enquête dément absolument que cette démolition était une fatalité contre laquelle on ne pouvait rien.
- L’église était de toute façon condamnée car construite sur un sol meuble.
Cette affirmation est FAUSSE.
Le rapport de l’architecte Vincent Brunelle, architecte en chef des monuments historiques, effectué en 2008, expliquait que la restauration était possible. Encore fallait-il la commencer il y a au moins quatre ans en traitant d’abord l’urgence.
- Aucune subvention n’était possible.
Cette affirmation est FAUSSE.
D’une part, l’inscription ou le classement de l’église n’ont, à notre connaissance, jamais été demandés. Ils auraient permis à la mairie d’obtenir des subventions au titre des monuments historiques si la protection avait été accordée (nul ne doute que l’église aurait pu au moins être inscrite). Et des subventions sont possibles à d’autres titres, même pour les monuments non protégés, pour ne rien dire des appels au mécénat.
- le coût (10 millions d’euros) était de toute façon insupportable pour la ville d’Abbeville, il aurait fallu augmenter énormément les impôts locaux.
Cette affirmation est DOUBLEMENT FAUSSE.
D’une part, le rapport de Vincent Brunelle mentionnait en 2008 un coût total pour la restauration de 4,8 millions d’euros, soit moins de la moitié, dont une partie aurait pu être couverte par du mécénat et par des subventions (voir ci-dessus). Et l’étalement des travaux sur plusieurs années aurait été - même si la mairie avait dû en payer l’intégralité - une charge parfaitement supportable pour la ville (notre calcul indique 25 € par habitant et par an, pendant huit ans, en l’absence de tout financement extérieur).
- La destruction de l’église est triste certes, mais il n’y avait plus le choix : il fallait la détruire car la sécurité des habitations et d’une école était menacée..
Cette affirmation est peut-être vraie aujourd’hui. Elle est FAUSSE sur le fond.
Car si la mairie avait fait son devoir, elle aurait lancé la restauration de l’église Saint-Jacques il y a plusieurs années. Elle ne l’aurait pas condamnée à pourrir sur place en laissant des trous dans sa couverture et dans ses verrières.
Si la mairie avait fait son devoir, elle aurait depuis longtemps déménagé l’orgue et le mobilier qui reste dans l’église et elle aurait fait déposer les vitraux. Tout cela va être détruit en même temps que l’église (des pierres tombant du clocher, il y a peu de chance que l’orgue soit sauvé).
Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude. La Tribune de l’Art ne fait pas de politique. Elle s’attaque aussi bien aux maires de droite qu’aux maires de gauche, aussi bien aux gouvernements de droite que de gauche lorsqu’ils mettent en péril le patrimoine. Mais nous rappelons aux habitants d’Abbeville qu’il y aura bientôt des élections municipales et qu’ils doivent savoir que, contrairement à ce qu’affirme la mairie, un autre destin était possible pour l’église Saint-Jacques.

Didier Rykner, lundi 4 mars 2013

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