"Et une fois de plus, Jésus dit : « A quoi comparerai-je le Royaume de Dieu ? Il est semblable à du levain qu'une femme a pris et mis dans trois mesures de farine jusqu'à ce que la pâte soit toute levée » (Luc 13,20-21).
C'est une autre des paraboles mystérieuses du Christ que beaucoup trouvent difficile à comprendre. Le thème réel pris dans la vie quotidienne est simple et clair. Depuis les temps les plus anciens les femmes au foyer ont été boulangers, elles prennent de la farine, la mettent dans un bol, préparent le levain, pétrissent la pâte et la font cuire. Cela a été la tâche quotidienne d’une femme au foyer à l'Est comme à l'Ouest pendant des milliers d'années. Mais personne n’avait eu l’idée de considérer cette simple tâche comme une figure ou un symbole du Royaume de Dieu. Seul le Seigneur Jésus-Christ, pour qui rien n'était trop simple ou sans importance, a pris cette corvée familière et l'a utilisée pour expliquer quelque chose de magnifique et d’extraordinaire. Il pouvait se représenter à lui-même sa propre mère au travail.
Je poserai les questions suivantes au lecteur de l'Evangile : Pourquoi le Christ a-t-Il pris la femme comme Son modèle, au lieu de l'homme, quand les hommes ont été boulangers à travers les siècles? Et pourquoi le pain au levain, quand le pain sans levain était aussi souvent utilisé ? Et pourquoi la femme a-t-elle pris trois mesures, et non pas une, deux ou quatre? Enfin, quel rapport ou similitude y a-t-il entre le règne de Dieu et le travail de la cuisine d'une femme au foyer?
Si ces questions ne trouvent pas de réponse, comment pouvons-nous comprendre la parabole? Cependant y répondre sans un déchiffrement spirituel ne ferait qu'entraîner de nouvelles difficultés. Toutes les paraboles traitent de choses insignifiantes, mais leur signification réelle se situe en profondeur. Ils font appel à l'œil et semblent assez évidentes, mais elles concernent l'esprit et le spirituel.
Cette parabole a une double interprétation spirituelle.
La première a à voir avec les trois principales races de l'humanité, la seconde avec les trois principales facultés ou pouvoirs de l'âme humaine. En bref, ce qui est remarquable et inhabituel dans cette parabole est le processus historique et personnel du salut de l'homme.
Après le Déluge, du fils de Noé - Sem, Cham et Japhet - sont advenues trois races d'humanité, les Sémites, Chamites et Japhetites. Ce sont les trois mesures de farine dans lesquelles le Christ met son céleste levain - le Saint-Esprit. Cela signifie qu’Il est venu comme Messie et Sauveur pour toutes les races et les nations de l'humanité sans exception. Tout comme avec du levain une femme peut transformer de la farine naturelle en pain, ainsi le Christ, par l'Esprit Saint, transforme les hommes naturels en enfants de Dieu, en habitants immortels du Royaume céleste. C'est pourquoi, selon l'enseignement orthodoxe, les saints hommes sont appelés anges terrestres ou hommes célestes, parce que’atant « levés » par l'Esprit Saint, ils ne sont de la farine ordinaire ou des galettes sans levain étalées sur la terre, mais ils sont du pain au levain qui a levé. Selon la Bible, le pain sans levain était le pain des esclaves quand le pain au levain était pour les hommes libres, les enfants de Dieu. C’est donc pour cette raison que l'Eglise orthodoxe utilise du pain au levain à la Sainte Communion. Le processus de levage a commencé le premier dimanche de la Trinité ou Pentecôte, quand l'Esprit Saint est descendu du ciel sur les Apôtres. Dès ce jour, ce processus s'est poursuivi jusqu'à nos jours, et il continuera jusqu'à la fin des temps où tout sera levé. Voici donc l'interprétation historique de la parabole énigmatique de la femme qui pétrit. La deuxième interprétation est d'ordre psychologique et personnel, et concerne les trois principales facultés ou pouvoirs de l'âme humaine : l'intellect, le cœur et la volonté, ou, en d'autres termes, le pouvoir de penser, le pouvoir de sentir et le pouvoir d'agir. Ce sont les trois mesures invisibles de l'âme de l'homme intérieur. Ces trois pouvoirs soit restent totalement sans levain, comme le pain des esclaves, ou bien ils sont pétris avec un levain de malice et d'hypocrisie. C’est pourquoi le Christ dit à ses disciples de se méfier du levain des pharisiens, qui est l'hypocrisie, parce que c'est le levain du monde et l'homme, qui affaiblit les pouvoirs de l'âme, l’entrave et la rend malade. Mais le Christ, le Sauveur a apporté sur la terre un nouveau levain pour faire croître les pouvoirs de l'âme. Ceux qui reçoivent ce nouveau levain céleste, par le baptême au nom de la Sainte Trinité sont appelés fils et filles de Dieu, héritiers du Royaume éternel. Ils ne mourront pas, car même quand ils quitteront leur corps, ils seront encore en vie et vivront à jamais. Ce levain céleste les remplit avec la lumière de la raison, la chaleur de l'amour divin et la gloire de bonnes œuvres. Les trois pouvoirs de l'âme croissent ensemble en harmonie, et montent au ciel, à la perfection. Comme le Seigneur l'a dit, Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait.
La femme a été prise comme parangon et pas l'homme, et le Christ s’est comparé Lui-même à une femme boulangère, parce que la femme en tant qu'épouse et mère prépare le pain pour la famille d'une manière aimante, alors que l'homme boulanger fait du pain pour la vente et le gain. Tout ce que le Christ a fait pour l'humanité a été fait par pur amour, et Il se compare donc à une femme boulangère. Voilà donc la deuxième interprétation, mais les deux interprétations de cette parabole sont correctes. La signification historique et psychologique découlant de cette simple parabole est comme les ramifications d’un chêne qui se développent à partir d'un gland, car elle est vraiment majestueuse dans son dimension historique et profonde dans sa dimension psychologique."
(extrait et traduit de Orthodox Life, 1951, Nos. 5 and 6 par Maxime Le Minime)
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St Nicolas de Jitcha |
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