ICÔNES SUR VERRE ROUMAINES (1)


Considérations au sujet des icônes sur verre
à travers le temps
(1)
(in "La peinture paysanne sur verre de Roumanie" aux éditions Meridiane par Juliana Danco et Dumitru Danco, superbe album paru en 1979)

"Les icônes sur verre de Transylvanie ont connu un sort assez curieux : dédaignées par les gens de la ville, elles ont longtemps été chères aux paysans; puis, dédaignées au cours de ces dernières décennies par les paysans, elles jouissent maintenant de la faveur des intellectuels et des artistes de la ville. Ce renversement des goûts est l'effet des transformations multiples et essentielles survenues en Roumanie tant dans la vie et la mentalité des habitants des villages que dans celles des citadins, les premiers aspirant de plus en plus à un style de vie urbain, tandis que les autres sont parvenus à une plus juste compréhension des valeurs éternelles de l'art paysan.

Les opinions qui se sont fait jour au cours de près d'un siècle sont étonnamment contradictoires. En janvier 1863, ainsi que l'a montré Emil Vîrtosu, l'évêque de Rîmnic, Calinic, informait le Ministère des Cultes que des hommes venus de Transylvanie apportent, parmi d'autres marchandises, « de soi-disant icônes, si mal exécutées que l'on dirait des caricatures, et cela d'autant plus qu'en dehors des icônes de saints, reconnues par notre Eglise, ils apportent aussi des tableaux sur lesquels est dessiné un coq, qu'ils vendent de même aux paysans en tant qu'icônes, leur faisant croire que c'est le coq qui a chanté lorsque le Sauveur a été arrêté et livré aux Juifs ... » (il s'agit d'icônes de Nicula et de la gravure de Nichita Morariu, intitulée Coq, datant de 1862). L'évêque demandait que l'on prenne des mesures pour interdire l'entrée en Roumanie de telles icônes, étant donné « qu'elles déshonorent les véritables images des saints ( ... ) et induisent en erreur le peuple, ébranlant sa piété et poussant certains hommes simples à adorer des coqs au lieu de nos véritables icônes »...
Sur la base de ce rapport - montre Emil Vîrtosu - le Ministère des Cultes a demandé à tous les préfets des départements voisins de la Transylvanie de prohiber l'entrée de ces icônes. C'est ainsi que, en mars de la même année, le préfet du département de Rîmnicu Sarat a trouvé chez quelques marchands d'icônes, à savoir Ion Coşaru, Mihai Hodeş, Gheorghe Popa et Vasile Moldovanu, 38 icônes de la Vierge et de Jésus-Christ ( ... ) qu'il a confisquées et dont il a envoyé un exemplaire au ministère. Du ministère on lui a répondu que les marchands peuvent continuer à exercer leur commerce, étant donné que les icônes n'ont rien d'« indécent ». Un quart de siècle plus tard, le poète Mikhaïl Eminescu témoigne d'idées similaires lorsqu'il écrit dans le journal "România Liberă", qui paraissait à Bucarest sous la direction de August Treboniu Laurian: « Auparavant, les icônes religieuses qui se vendaient en Roumanie étaient fabriquées presque exclusivement à Gherla (en Transylvanie). C'étaient des produits vraiment roumains, mais - pourquoi ne pas le reconnaître? - bien primitifs. Fabriquées par des paysans simples et naïfs, dépourvus de toute culture artistique, ces icônes étaient combattues même par certains évêques de Transylvanie, qui s'efforçaient de promouvoir des icônes de meilleure facture, afin de former l'œil à des formes plus concrètes, d'autant plus que l'on craignait que des femmes enceintes puissent, si elles avaient devant les yeux de pareilles icônes, mettre au monde des monstres ». Ajoutons que, même de nos jours, un folkloriste érudit, Ion Muşlea, qui s'est occupé aussi, entre autres, de l’histoire des icônes sur verre, a soutenu que les icônes de Nicula » ont joui d’une grande renommée, encore que non méritée »

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