LA SOMATOCRATIE par Père JEAN BOBOC de bienheureuse mémoire


    « L'être, l'avoir et le paraitre. Renonçant donc à l'être, compulsivement crispé sur l'avoir, l'homme se jette dans l'inévitable conséquence de ce dernier: le paraître.                  

 
 
Trichant sur l'altérité, le 
paraître est une forme de relation aux autres, tant vers l'uniformité que vers la différence. Être conforme aux modes ou  par opposition s'en différencier et marquer ainsi une forme de différence, passent par l'apparence. Le rapport à l'extérieur, le paraître devient le maitre mot d'une civilisation de l'image. En plus de l'exposition tapageuse de biens matériels qui deviennent des expansions de lui-même, les objets techniques deviennent aussi des prolongements de l'homme, de façon quasi anatomique, branché et connecté en permanence à des appareils de communication et d'informations orientées, de bruit de fond abrutissant ou anesthésiant, ajoutent à l'homo economicus le caractère d'homo numericus. L'image présentée aux autres, le paraître aux yeux d'autrui finit par retour à forger une forme de personnalité artificielle, un masque (prosôpon) qui devient celui de la tragédie sociale.
     La tyrannie des conformismes est devenue celle de la somatocratie. Il convient d'être conforme à des modèles physiques, aux aspects de la jeunesse, à l'apparence de santé, aux mœurs sexuelles du jour. L'appel à la cosmétique et à la chirurgie esthétique visent un objectif trompeur de jeunesse et de beauté qui deviennent le sésame de la promotion sociale. La philautie exacerbée confine à l'idolâtrie démoniaque que dénonçait l'Aquinate lorsqu'il parlait des démons fascinés par la splendeur de leur nature, allecti a pulchritudine suae naturae (1). Il serait cependant obscurantiste de ne pas prendre en considération les avancées scientifiques qui vont inverser le temps et le vieillissement des cellules humaines, c'est-à-dire l'ère de la régénérescence qui s'inaugure par les plus récents travaux génétiques sur l'utilisation des cellules pluripotentes à partir de cellules souches adultes, sans poser de réels problèmes bioéthiques. Le prix Nobel de médecine 2012 fut attribué aux chercheurs Shinya Yamanaka et John Gurdon pour la découverte de la reprogrammation de cellules adultes en cellules souches pluripotentes. Leurs travaux devraient permettre de ne plus sacrifier d'embryons humains pour prélever des cellules souches embryonnaires. On a peine à comprendre la volonté de certains de poursuivre avec prédilection leurs funestes travaux au prétexte d'une insuffisance de recul sur les effets secondaires des nouvelles techniques proposées. Le slogan fallacieux que l'embryon humain n'est pas une personne a permis au législateur de laisser le champ libre à la destruction embryonnaire en série.»
 1. Thomas d'Aquin De malo, qu. 16,a.2, ad 13.
Père JEAN BOBOC
in La grande Métamorphose

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