L'ORIGINE ET LES FONDEMENTS RÉELS DE LA PRIMAUTÉ "SINE PARIBUS" revendiquée par Bartholomée

L'Archevêque grec (futur Patriarche Athénagoras) au patron de la CIA: "Vos instructions seront exécutées fidèlement."

Publié le 2 décembre 2019 par Matthew Namee


Le Président Truman
et l'Archevêque Athenagoras, 1947
C’est depuis longtemps un secret de Polichinelle que l’élection du patriarche Athénagoras en tant que patriarche œcuménique a été organisée, ou du moins facilitée, par le gouvernement des États-Unis. C’est difficile d’écrire à ce sujet en tant qu’historien, car les preuves probantes pour ce genre de chose ont tendance à être dissimulées. Parfois, cependant, il y a quelque fuite. Je parcourais récemment d'anciens documents de la base de données de la CIA publiés en vertu de la loi sur la liberté de l'information (FOIA). L'un des fichiers contient un grand nombre d'articles de l'OSS, l'agence précédant la CIA, tous consacrés à la Grèce pendant la Seconde Guerre mondiale. Enfouis dans les 300 pages environ de ce fichier PDF, on trouve plusieurs articles relatifs à Athénagoras, qui était à l'époque archevêque de l'archidiocèse grec d'Amérique du Nord et du Sud.

Dans une note de service interoffice de l'OSS datée du 26 mars 1942, un agent des services de renseignement nommé Ulius L. Amoss écrivit ceci à un autre agent de l'OSS nommé David Burns:

« L'Archevêque était extrêmement heureux de vous avoir rencontré et déjeuné avec vous. Il m'a dit que toutes les installations de son organisation sont à notre disposition. Voici exactement ses paroles :


«J'ai trois évêques, trois cents prêtres et une vaste organisation très étendue. Chaque personne sous mon commandement est sous le vôtre. Vous pouvez les commander pour tous les services dont vous avez besoin. Aucune question ne sera posée et vos instructions seront exécutées fidèlement. S'il vous plaît dites à M. Burns qu'il en est ainsi en ce qui me concerne. »

Un mois plus tard, le 25 avril, l'archevêque grec de 56 ans tenta de s'enrôler dans l'armée américaine. Il a été refusé.

Quelques semaines après cela, le 14 mai, Ulias Amoss, le même agent des services de renseignement qui avait rédigé le mémorandum du 26 mars, a adressé une lettre à Athenagoras, le remerciant de la coopération soutenue de l'archidiocèse grec, en déclarant, en particulier « Le zèle avec lequel  vos évêques et vos prêtres ont coopéré a  impressionné tout le monde et le rapport selon lequel peut-être cent mille noms nous seront retournés est stupéfiant. » 
Le même jour, William J. Donovan lui-même - le chef de l'OSS - a également écrit à Athenagoras, 

« Les rapports et les descriptions concernant la jeunesse gréco-américaine en âge d’être sous les drapeaux que vous avez prise en charge avec tant de gentillesse arrivent en quantité impressionnante. Le soin avec lequel Votre Grâce a géré cet important service intéresse grandement nos forces armées et je tiens à vous exprimer ma profonde gratitude pour votre assistance loyale et patriotique. »

William J. Donovan, chef de l'OSS, agence précédente à la CIA


Apparemment, Donovan ayant quitté la ville, Athénagoras a attendu jusqu'au 16 juillet pour répondre. Voici le texte intégral de la lettre de l’archevêque :

William J. Donovan, patron de l' OSS
agence de renseignements antérieure à la CIA
« Mon cher M. Donovan:


J'ai reçu votre lettre cordiale du 15 mai, mais en apprenant qu'entre-temps vous étiez parti, j'ai attendu votre retour pour vous écrire. 
 Je vous souhaite la bienvenue et vous remercie du fond du cœur pour votre lettre et son contenu. Vous m'avez beaucoup obligé, car je pense que c’est bien le moins que je puisse faire pour les États-Unis, à qui je suis profondément redevable. Je suis cependant prêt à me soumettre moi-même à tout devoir et à faire tous les sacrifices possibles pour notre pays bien-aimé, qui se bat pour la liberté et la justice universelles et pour le nouveau jour à venir. 
 J'étais à Washington il y a quelques jours et je serais venu vous voir si je n'avais pas été rappelé à New York. Soyez assuré que, à la première occasion, je viendrai à Washington vous rencontrer personnellement et vous exprimer ma sincère admiration. 
 Cordialement,
 Archevêque Athénagoras »
Il est assez étonnant que ces documents soient publics, car ils représentent les prémices d’une relation assez connue mais peu documentée entre l’archevêque Athenagoras et les services de renseignements américains. En 1942, Athénagoras s’est révélé un allié fiable du gouvernement américain. Même si son patriotisme de l’époque de guerre n’est pas forcément inhabituel, son langage est d’une fermeté quasi incroyable: «Aucune question ne sera posée et vos instructions seront exécutées fidèlement.»

Dans les années qui ont suivi, l'archevêque Athenagoras est resté une ressource précieuse pour le renseignement américain. Un rapport de l'OSS préparé peu après le 31 décembre 1944 mentionne Athenagoras parmi ses principaux contacts. Ce rapport de l'OSS commente : «Le Département d'État et les autres agences exécutives peuvent difficilement entretenir librement ce type de contacts sans donner un cachet officiel aux individus en question et susciter les critiques de la part des milieux politiquement hostiles.

 La branche des nationalités étrangères [de l'OSS] a toutefois pu s'entretenir intimement et aussi souvent que nécessaire avec de tels hommes. "La liste" de tels hommes "comprend non seulement Athenagoras, mais également l'évêque albanais, Fan Noli, et le président. Mgr Dionisije Milivojevich, évêque de Serbie.

La relation entre Athenagoras et le gouvernement américain s'est révélée mutuellement bénéfique. Quand Athenagoras a été élu patriarche œcuménique à la fin de 1948, il a été transporté par avion à Istanbul sur l'avion présidentiel du président Truman (qui a été surnommé, bizarrement, la "vache sacrée"). Depuis son nouveau poste au Phanar, Athenagoras a servi de contrepoids pro-américain au Patriarcat pro-soviétique de Moscou. Mais c'est une histoire pour un autre jour.


(version française par Maxime le minime
de l'article posté sur le site Orthodox History
avec la permission de son auteur)

Commentaires

Maxime le minime a dit…
Le Patriarche Bartholomée, enfant spirituel du Métropolite Méliton de Chalcédoine, a été l'organisateur de la visite du Patriarche Dimitrios à Rome où l'on s'est certainement réjoui de son élection. Selon le journal Le Monde de l'époque il a reçu une partie de sa formation à Rome, à la Grégorienne, en «Droit Canon», et il parle plusieurs langues, dont le latin. Le jour de son intronisation, le Patriarche Bartholomée a affirmé vouloir poursuivre l'oeuvre du Patriarche Athénagoras. Il a aussi insisté sur la nécessité de faire le plus rapidement possible l'union avec les monophysites