ROME, L'EMPEREUR ROMAIN et LES CHRÉTIENS selon TERTULLIEN


CHAPITRE XXX

1. Car, nous autres, nous invoquons pour le salut des empereurs le Dieu éternel, le Dieu véritable, le Dieu vivant, que les empereurs eux-mêmes veulent se rendre favorable plutôt que les dieux. Ils savent qui leur a donné l'empire; ils savent, en tant qu'hommes, qui leur a donné la vie; ils sentent que celui-là seul est Dieu, sous la seule autorité de qui ils se trouvent, placés au second rang, les premiers après eux, avant et au-dessus de tous les dieux. Comment n'en serait-il pas ainsi? En effet, s'ils sont au-dessus de tous les hommes qui du moins sont vivants, à plus forte raison sont-ils au-dessus des morts. 2. Ils considèrent jusqu'où vont les forces de leur empire, et ainsi ils voient que Dieu existe; comprenant qu'ils ne peuvent rien contre lui, ils reconnaissent que c'est par lui qu'ils sont puissants. Que l'empereur déclare donc la guerre au ciel; qu'il traîne le ciel captif à la suite de son char de triomphe; qu'il envoie des sentinelles au ciel; qu'il impose au ciel un tribut! Il ne le peut. - 3. L'empereur n'est grand qu'autant qu'il est inférieur au ciel : il est, en effet, lui-même la chose de Celui à qui le ciel et toute créature appartiennent. Il est empereur par Celui qui l'a fait homme avant de le faire empereur; son pouvoir a la même source que le souffle qui l'anime. - 4. C'est vers ce Dieu que nous autres chrétiens, nous levons les yeux pour prier, les mains étendues, parce qu'elles sont pures; la tête découverte, parce que nous n'avons pas à rougir; enfin sans souffleur qui nous dicte les paroles, parce que nous prions du cœur. Dans nos prières incessantes, nous demandons pour les empereurs une longue vie, un règne tranquille, un palais sûr, des troupes valeureuses, un sénat fidèle, un peuple loyal, l'univers paisible, enfin tout ce qu'un homme ou un César peuvent souhaiter. - 
[…]

CHAPITRE XXXI

 […] Vous donc, qui croyez que nous n'avons nul souci du salut des Césars, examinez les paroles de Dieu, ouvrez nos Ecritures; nous ne les cachons pas et maints accidents les font tomber entre des mains étrangères. - 2. Elles vous apprendront qu'il nous a été ordonné de prier pour nos ennemis, jusqu'à rendre notre charité excessive, et de demander des biens pour nos persécuteurs. Or, quels sont les plus grands ennemis et les plus cruels persécuteurs des chrétiens, sinon ceux à l'égard de qui on nous accuse du crime de lèse-majesté? - 3. Il y a plus : il est dit d'une manière claire et précise : « Priez pour les rois et pour les princes et pour les autorités, afin que tout soit tranquille pour vous. » En effet, quand l'empire est ébranlé, tous ses membres le sont aussi, et |p90 nous, bien que la foule nous traite en étrangers, nous nous trouvons naturellement enveloppés en quelque manière dans la ruine.

[…]

CHAPITRE XXXII 

 Nous avons un autre motif, plus pressant encore, de prier pour les empereurs, pour la conservation de l'empire tout entier et pour la puissance romaine : nous savons, en effet, que la terrible catastrophe suspendue au-dessus de la terre entière et la clôture du temps elle-même, qui nous menace d'horribles calamités, n'est retardée que par le répit accordé à l'empire romain. Nous ne tenons nullement à faire cette expérience et, en demandant qu'elle soit différée, nous contribuons à la longue durée de l'empire romain. " 


TERTULLIEN (Apologétique chap. XXXII, 1)




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