LA TRIPLE MANIERE DE PÉCHER par ST GRÉGOIRE DIALOGOS (LE GRAND)

Il les frappe comme des impies, parce qu'ils se détournent de lui (Job 34, 27)

  "Sachez qu'il y a trois manières de commettre le péché: on peut le commettre par ignorance, ou par faiblesse, ou par volonté délibérée. Pécher par faiblesse est plus grave que pécher par ignorance ; pécher de volonté délibérée c'est encore beaucoup plus que pécher par faiblesse. Paul relatait un péché par ignorance quand il écrivait: Moi naguère un blasphémateur, un persécuteur, un insulteur ... mais il m'a été fait miséricorde parce que j'agissais par ignorance, étranger à la foi (1 Tim 1, 13). C'est par contre un péché de faiblesse que Pierre commet quand se brise en lui, à la seule voix d'une servante, toute la robustesse de la foi dont le Seigneur l'avait  gratifié, et quand il renie en paroles le Dieu auquel son cœur restait accroché. (Luc 22, 57).
  Une faute due à la faiblesse ou à l'ignorance est d'autant plus facilement effacée qu'elle n'est précisément pas commise de volonté délibérée. Une fois renseigné Paul corrige son ignorance antérieure, et par ses larmes abondantes Pierre rend vigueur et vitalité aux racines de sa foi ébranlées et desséchées.
  Par contre c'est un péché activement et consciemment perpétré qu'avaient commis ceux que le Maître lui-même accuse en ces termes: Si je n'étais pas venu et ne leur avais parlé, ils n'auraient pas péché, mais maintenant ils n'ont pas d'excuse à leur péché, et un peu plus loin: ils ont vu et ils nous haïssent moi et mon Père (Jn. 15, 22 - 24). Ne pas faire le bien et haïr celui qui l'enseigne sont deux choses aussi différentes que pécher par étourderie ou de propos délibéré. Il suffit souvent d'y réfléchir et d'en prendre conscience pour condamner un péché commis par étourderie, et dans la plupart des cas où il s'agit de faiblesse, on parvient habituellement à aimer le bien, sans toutefois être toujours capable de l'accomplir. Tandis que quand il s'agit d'un propos délibéré, pécher c'est tout ensemble ne pas faire le bien et ne pas l'aimer. De même donc qu'affectionner le péché est parfois plus grave que le commettre, de même il est bien plus pernicieux de haïr la justice que de ne pas l'accomplir. On trouve, jusqu'à l'intérieur de l'Eglise, de ces gens qui non seulement ne font pas le bien, mais persécutent ceux qui le font : ce qu'eux-mêmes répugnent à faire, ils le détestent chez les autres. Leur péché ici ne vient ni de l'ignorance ni de la faiblesse, mais de leur seule volonté, car, à supposer qu'ils veuillent accomplir de bonnes actions tout en se révélant incapables de les réaliser, ils devraient néanmoins aimer chez autrui ce qu'eux-mêmes se refusent de faire."


in COMMENTAIRE MORAL DU LIVRE DE JOB (MORALIA)
Traduction de René Wasselynck (Ed. du Soleil Levant)

Par les prières de notre Saint Père Grégoire , Seigneur Notre Dieu,  accorde-nous ta grâce !

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