QU'EST-CE QUE LE MONDE SPIRITUEL ?
« Notre âme est la plus petite partie du monde spirituel. En y pénétrant et en y recueillant toutes ses facultés, l'homme entre dans le monde spirituel. Il ressemble ainsi à quelqu'un qui voudrait voir les profondeurs de la mer : il lui faut-il plonger et posséder une vue perçante.
Nous nous représentons ordinairement le monde spirituel situé aux frontières du monde matériel, au-delà du ciel visible, dans un espace infiniment éloigné, où l'œil des mortels ne pénètre pas, ou leur pensée s’essouffle et se perd. Nous nous demandons donc : « Qui montera au ciel pour en faire descendre le Christ, ou un ange, ou un juste ? Qui descendra dans l'abîme, pour en faire remonter nos parents décédés, ou nos frères, ou nos amis, ou nos bienfaiteurs ? Qu'est-ce que ce ciel dans lequel vivent les esprits incorporels, les saints de Dieu et Dieu lui-même dans sa gloire ? » c'est un ciel qui se trouve au-delà de tous les cieux, et donc au-delà des frontières du visible ; c'est « le ciel des cieux », et c'est pourquoi il remplit aussi le ciel étoilé ; il est aussi le ciel sur terre, parce que la terre est l'escabeau des pieds du Seigneur qui vit au ciel.
Ainsi le ciel spirituel avec tous les bienheureux qui y habitent, est également partout, comme le ciel que nous voyons se trouve partout, chez nous et dans toutes les régions de la terre.
C'est pourquoi nous pouvons en tout lieu adresser nos prières aux anges et aux saints, et eux, c'est-à-dire le monde spirituel et invisible, peuvent nous aider partout où nous sommes. Pour mieux comprendre cela, demandons-nous d'abord en quoi consiste le monde physique, le monde visible. Nous disons qu'il est une image du monde spirituel et invisible. Et où se trouve le monde visible? Il se trouve partout et nous lui attribuons ni lieu ni frontière : il nous enveloppe de toutes parts. C'est pourquoi le monde spirituel, étant le prototype du monde sensible, et lui aussi présent partout. Lui non plus n'est pas loin de nous, il nous entoure et nous enveloppe. Est-ce que nous ne vivons pas dès maintenant d'une vie commune avec le monde spirituel, au moins en partie ? Qu'est-ce que l'homme ? N'avons-nous pas coutume de l'appeler un microcosme, un abrégé du monde visible et spirituel ? L'âme pénètre et vivifie le corps, mais le corps couvre et protège l’âme.
C'est ainsi que l'on peut affirmer que le monde spirituel et le monde physique se rejoignent ils sont membres l'un de l'autre.
Si le microcosme spirituel, à savoir notre âme, est proche de nous, le macrocosme et ses habitants le sont tout autant. Par son être, notre âme, bien qu'unie au corps, est réellement présente au monde spirituel. Son esprit n'est ni une pierre, ni une plante, ni aucune autre chose matérielle ; ses pensées, ses désirs et ses sentiments n'appartiennent pas non plus au monde spirituel. On peut dire que notre âme est la plus petite partie du monde spirituel, au même titre que la Terre n'est qu'un petit grain de sable dans le monde matériel. La Terre tourne dans le ciel étoilé. Où se trouve-t-il ? Où sommes-nous ? Où est le monde spirituel ? Où est le ciel avec les justes et les bienheureux ? Mon Dieu ! Si à cet instant s’ouvraient nos yeux spirituels, que de choses ne contemplerions-nous pas ! Si le ciel du monde invisible s'ouvrait devant nous ! Nous verrions le Fils de l'homme assis à la droite de la puissance de Dieu, les chœurs angéliques chantant sa gloire et montant et descendant vers nous, les cortèges des saints devant le trône de l’Agneau, et toutes les tribus, les races, les peuples et les langues. Plusieurs seins ont entrevu quelque chose du monde invisible durant leur vie terrestre. Vous savez où et comment les bergers de Bethléem ont été jugés dignes de contempler le monde spirituel avec les hôtes célestes, les apôtres, saint André Le fol en Christ, Serge le Théophore, et tant d'autres au cœur pur, qui voient le Dieu invisible et, en lui, tout le monde invisible.
Pourquoi ne voyons-nous jamais le monde céleste et ses habitants, pourquoi, enfermés dans une prison obscure, aveugles que nous sommes, ne voyons-nous pas le ciel avec le soleil et les astres au-dessus de nous ? N'est-ce pas là notre situation par rapport au monde spirituel ? On a raison de l'appeler invisible : trois rideaux nous le cachent.
Le premier rideau est celui du monde matériel, qui n'est que l'enveloppe ou la coquille du monde spirituel.
Le deuxième rideau est celui de notre corps. Nous savons qu'en demeurant dans ce corps nous demeurons loin du seigneur, des anges et des justes dit l'Apôtre ( 2 corinthiens 5,6).
Le troisième rideau et celui de nos sens affectés par la sensualité. Il est le rideau le plus opaque, composé de trois tissus particulièrement grossiers est impurs : les désirs de la chair, les désirs des yeux et l'orgueil ordinaire. Ainsi, pour voir le monde invisible et ses saints habitants, il nous faut enlever ces trois rideaux. Le premier sera enlevé et purifié par le feu au dernier Jour ; le second sera enlevé et se corrompra au tombeau ; quant au troisième, nous pouvons toujours et partout, secourus par la grâce, le tirer et le rejeter, comme la vieille tunique inutilisable de notre vieil Adam.
Cela signifie que le monde spirituel ne nous est caché que pour un temps. Nous le cachons nous-mêmes par les désirs de la chair et par nos péchés. Nous imaginons être seuls à l'église, à la maison, ou dans l'ombre de la nuit, et nous commettons tranquillement le péché, comme si personne ne nous voyait.
Rougissons de nos pensées mauvaises et de nos péchés. Craignons Dieu qui voit tout. Rougissons devant les justes et les bienheureux : il nous entourent invisiblement et se tiennent au-dessus de nous et devant nous, En tout temps et en tout lieu. Les chemins des justes brillent comme la lumière : ils nous précèdent, nous éclairent, quels que soient les moments, les jours où les années qui se succèdent dans notre vie. Béni soit le Père des lumières, qui éclaire les fils de l'Église orthodoxe par les chemins lumineux des justes au ciel et sur la terre »
Extrait de Sur les monts du Caucase
du Hiéromoine Hilarion (ed. des Syrtes)
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