Les sacrifices ne sont pas pour tous les Français

Sur l'Express
En France, la rigueur n'a pas cours dans les cabinets ministériels
Par BF., publié le 31/10/2014 à 18:29. Mis à jour à 18:41


Selon le député socialiste René Dosière, 2014 aura été une année faste pour les collaborateurs des ministres dont les salaires et les primes sont en forte augmentation.

Comme chaque année depuis cinq ans, René Dosière, le député socialiste de l'Aisne, a jeté ce mercredi un joli pavé dans la marre. Sur son blog, ce spécialiste des dépenses de l'Etat, épluche la rémunération des agents des différents cabinets ministériels pour mieux traquer la gabegie administrative. Du moins s'y attelle-t-il en fonction des informations disponibles. Après Jean-Marc Ayraut l'an passé, c'était donc au tour de Manuel Valls, de ses ministres et des collaborateurs de ces derniers de passer sur le grill. Et le verdict de ce grand pourfendeur du train de vie de l'Etat, bien résumé par le titre de son dernier billet, est sans appel: "Rémunérations choquantes dans les cabinets ministériels".
En cause, des rémunérations dans les cabinets du gouvernement Valls en augmentation de plus de 7%, pour une rémunération brute moyenne (hors primes) de 8 201 euros par mois. Et même au-delà de 10 000 euros, en y intégrant les indemnités de sujétion (des primes normalement réservées aux fonctionnaires détachés mais qui tendent à se généraliser), elles-mêmes en hausse de plus de 4%. En période de rigueur budgétaire, synonyme de vaches maigres aussi bien pour le contribuable que pour les fonctionnaires, voilà qui sonne comme une fausse note assez malvenue. 

Contacté par L'Express, le parlementaire enfonce d'ailleurs le clou: "L'exemplarité c'est important, à plus forte raison au moment où l'on demande d'importants sacrifices aux Français."
Matignon, l'un des rares ministères à montrer l'exemple
René Dosière décerne un demi-satisfecit à Matignon. Le cabinet du Premier ministre est ainsi l'un des rares à afficher une diminution de la rémunération moyenne (-1,3% entre le mois d'août 2013 et le coeur de l'été 2014) de ses agents. D'août 2013 à août 2014, le nombre de membres du cabinet du Premier ministre a baissé de 12 pour atteindre 55 personnes, à la vue de l'annexe au projet de loi de Finances. Mais avec un revenu moyen de 13 134 euros bruts par mois, certains, comme Médiapart, hésitent tout de même un instant avant de parler de "modération".
Les données budgétaires montrent notamment une augmentation de la dotation annuelle du cabinet du Premier ministre pour les primes, passée à 6,1 millions d'euros, contre 5,85 millions en 2013 et autant en 2012. Sous François Fillon, dont le cabinet comptait alors 67 membres, l'enveloppe pour ces primes avait atteint 6,5 millions en août 2011.
On notera d'ailleurs qu'à un tel niveau de rémunération, si les conseillers de Matignon demeurent moins bien payés que leur patron, ils gagnent déjà nettement plus qu'un ministre dont les traitements et salaires mensuels (hors avantages en nature) ne peuvent excéder 12 700 euros environ.
Et les cancres sont...
Si les chiffres recueillis par René Dosière ne permettent pas une mise à plat intégrale des salaires pratiqués dans les cabinets ministériels, ils lui semblent tout de même suffisants pour pointer du doigt au moins deux anomalies particulièrement frappantes. "Au ministère de la Réforme de l'Etat, qui ne compte qu'une dizaine de conseillers, on note par exemple une augmentation de 30% de la rémunération moyenne. C'est assez incroyable", souligne le parlementaire. Quant au ministère de la Culture, "à équipe égale, le volume des primes a pratiquement doublé".

Dans 19 ministères, les conseillers sont mieux payés que leur patron
Contrairement à la règle appliquée à l'Élysée et à Matignon, où aucun collaborateur ne gagne davantage que le Président ou que le Premier ministre, "dans 19 ministères, la rémunération moyenne des membres de cabinet est supérieure à celle du ministre", selon les calculs du député de l'Aisne. C'est notamment le cas à l'Intérieur et à la Défense (environ 13 000 euros bruts en moyenne) ou encore à la Culture (13 800 euros). René Dosière juge cette situation "choquante" et y voit le signe d'une "course à la rémunération des conseillers". Il en profite d'ailleurs pour renouveler sa proposition d'établir la règle selon laquelle aucun collaborateur ne gagnerait plus que ministre au service duquel il est engagé. Selon ses projections, une telle mesure allègerait le budget de l'Etat de quelque 3,8 millions d'euros, soit 11% de sa masse salariale. Une paille à l'échelle du budget ou du déficit (environ 75 milliards d'euros en 2014). Mais en période de crise, les symboles comptent sans doute autant que les économies.
Benoist Fechner

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