Commentaire pertinent à l'article précédent

JPB 4 mai 2022, 11 h 45 min

TooLongDoNotRead.

« Le problème, évidemment, ce n’est pas la technique » : si, justement. Les tyrans d’avant n’avaient pas les moyens de leurs ambitions, qui ne pouvaient contrôler qu’imparfaitement le bétail bipède. Malgré les ordres, jusque dans les camps des uns et des autres, une forme de dialogue était encore possible entre le bourreau et la victime, également humains. Nos temps de profonde nuit ont changé tout cela : allez donc discuter avec un programme, surtout mal conçu. Implorer la pitié d’une porte blindée avec code ou d’un drone, ce sera peine perdue. Oui, oui, on sait : les maîtres n’auront peut-être pas l’énergie requise pour faire fonctionner leur réseau de surveillance ; on sait aussi l’existence d’armées de hackers géniaux prêts à saboter Ze Grid ou Ze Matrix. C’est dans les films. On peut supposer que la mafia étatique consacrera ses ressources à maintenir en état les infrastructures nécessaires au contrôle espéré irréversible. Elle trouvera toujours de bons serviteurs techniciens dépourvus de conscience morale pour contribuer à son admirable projet d’asservissement numérique universel avec permissions limitées autant que révocables. L’époque aura donné un sens nouveau au classique « Si c’est possible, c’est fait ; si c’est impossible, cela se fera ».
Sciences et techniques donnent aujourd’hui au tyran un pouvoir inédit. Compter sur les pannes de courant ou sur d’éventuels techniciens rebelles infiltrés, c’est un pari ou une espérance.
Au chapitre 6 de *Je ne suis pas une légende*, page 94, Bergier écrivait avoir pensé, dans les années 70, à rééditer son manuel du parfait saboteur en y ajoutant un dispositif permettant de s’attaquer aux ordinateurs. Visionnaire, il avait très tôt compris, bien avant la grande saloperie numérique que nous prépare la maudite u.e. pour demain (comme IBM y aidait hier), cette évidence : « les ordinateurs sont devenus l’instrument numéro un de la tyrannie et de l’oppression » (personnel et coupé de tout réseau, programmable par tout possesseur d’un honnête cerveau logique, le PC, le Personal Computer, a brièvement été un outil de libération ; reconnecté au monde et redevenant simple terminal contrôlé à distance, il est un terrifiant moyen d’asservissement, comme aujourd’hui l’optiphone (« Mais comment faisait-on avant pour s’en passer ? »), comme bientôt la puce (« C’est tellement *pratique* »).
Incidemment, rien ne ressemble plus à un médicastre se prenant pour dieu qu’un administrateur système ou qu’un « superprogrammer », développeur exceptionnel sans morale — on en trouvera un bel exemple dans la série *Wizardry* de Rick Cook. Devise qui conviendrait aussi au Lord Ivywood de *Flying Inn* : « Tout est possible, donc tout est permis ».
Le plus beau, dans tout cela, c’est que les chefs de la mafia étatique n’ont même pas à comprendre les moyens, d’ailleurs assez élémentaires, mis en oeuvre pour obéir à leurs voeux.
Ces quelques mots d’un méchant qui a beaucoup réfléchi au sujet :
« […] Due to improved techniques the elite will have greater control over the masses; and because human work will no longer be necessary the masses will be superfluous, a useless burden on the system. If the elite is ruthless they may simply decide to exterminate the mass of humanity. If they are humane they may use propaganda or other psychological or biological techniques to reduce the birth rate until the mass of humanity becomes extinct, leaving the world to the elite. Or, if the elite consists of soft-hearted liberals, they may decide to play the role of good shepherds to the rest of the human race. They will see to it that everyone’s physical needs are satisfied, that all children are raised under psychologically hygienic conditions, that everyone has a wholesome hobby to keep him busy, and that anyone who may become dissatisfied undergoes « treatment » to cure his « problem. » Of course, life will be so purposeless that people will have to be biologically or psychologically engineered either to remove their need for the power process or to make them « sublimate » their drive for power into some harmless hobby. These engineered human beings may be happy in such a society, but they most certainly will not be free. They will have been reduced to the status of domestic animals.
[…]
Whatever else may be the case, it is certain that technology is creating for human beings a new physical and social environment radically different from the spectrum of environments to which natural selection has adapted the human race physically and psychologically. If man is not adjusted to this new environment by being artificially re-engineered, then he will be adapted to it through a long and painful process of natural selection. The former is far more likely than the latter.
It would be better to dump the whole stinking system and take the consequences. »

[google trad. « […] Grâce à des techniques améliorées, l'élite aura un plus grand contrôle sur les masses ; et parce que le travail humain ne sera plus nécessaire, les masses seront superflues, un fardeau inutile pour le système. Si l'élite est impitoyable, elle peut simplement décider d'exterminer la masse de l'humanité. S'ils sont humains, ils peuvent utiliser la propagande ou d'autres techniques psychologiques ou biologiques pour réduire le taux de natalité jusqu'à ce que la masse de l'humanité s'éteigne, laissant le monde à l'élite. Ou, si l'élite se compose de libéraux au cœur tendre, ils peuvent décider de jouer le rôle de bons bergers pour le reste de la race humaine. Ils veilleront à ce que les besoins physiques de chacun soient satisfaits, à ce que tous les enfants soient élevés dans des conditions psychologiquement hygiéniques, à ce que chacun ait un passe-temps sain pour s'occuper, et à ce que toute personne insatisfaite subisse un « traitement » pour remédier à son « problème ». » Bien sûr, la vie sera si sans but que les gens devront être modifiés biologiquement ou psychologiquement soit pour supprimer leur besoin du processus de pouvoir, soit pour les faire « sublimer » leur désir de pouvoir dans un passe-temps inoffensif. Ces êtres humains artificiels peuvent être heureux dans une telle société, mais ils ne seront certainement pas libres. Ils auront été réduits au statut d'animaux domestiques.[…] Quoi qu'il en soit, il est certain que la technologie crée pour les êtres humains un nouvel environnement physique et social radicalement différent du spectre des environnements auxquels la sélection naturelle a adapté la race humaine physiquement et psychologiquement. Si l'homme n'est pas ajusté à ce nouvel environnement en étant artificiellement reconstruit, alors il s'y adaptera par un long et douloureux processus de sélection naturelle. Le premier est beaucoup plus probable que le second. Il serait préférable de vider tout le système puant et d'en subir les conséquences. »

La présentation « c’est la meilleure et la pire des choses », c’est de la rhétorique. Le problème, c’est bien la technique et non ses utilisateurs, parce que du seul fait qu’elle est disponible, elle sera employée — comme pour les armes. L’utilisateur animé des meilleures intentions n’existe pas, qui serait d’ailleurs toujours tenté de faire le bien — le prétexte de toutes les tyrannies.

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