Lettre d'un prêtre orthodoxe à un électeur français
Aux urnes citoyens ! |
Augustin veut dire que la liberté véritable ne consiste pas
à suivre ses caprices et ses instincts, la belle liberté celle qui consiste à
ne pas voir, parce qu'elles sont dorées, les chaînes qu'on enroule autour de
soi ! La vraie liberté consiste à être délivré par l'acquisition du saint
Esprit de la tyrannie des passions et à ne connaitre d'autre hétéronomie que
celle que nous recevons de Dieu.
Lectrice, lecteur, ma sœur, mon frère, si en
entrant dans l'isoloir, tu penses comme moi que la séparation de l'Église et de
l'État est une conquête de l'humanité qui honore celle-ci au même titre que
l'abolition du servage, de l'esclavage et de la peine de mort, mais qu'elle ne
saurait signifier la séparation de la raison et de la foi, de la science et de
la sagesse, de la connaissance et de l'amour, de l'humain et du divin; si tu
partages ma conviction que la démocratie est le régime politique le plus
honorable dans la mesure où, par le moyen du pluralisme et de la laïcité il se
fonde sur le respect de la part de divin qui est en nous, c'est-à-dire de notre
liberté même si celle-ci fait tragiquement le choix de se perdre et de refuser
la Vie, la vraie, celle sans laquelle nous nous contentons de vivoter à petit
feu, en attendant la mort inéluctable, que l'on soit noir ou blanc, athlète ou tétraplégique,
trisomique ou Prix Nobel, que l'on croit au ciel ou que l'on n'y croit pas; si
comme moi tu penses qu'un chrétien ne saurait absolutiser l'engagement
politique – en étant candidat, militant ou électeur
– au point d'oublier que
nous sommes ici-bas des voyageurs, des pèlerins cheminant vers le Royaume ; si,
comme moi, tu es d'avis que, dans la situation d'éclatement, de fragmentation où
se trouve désormais le Christianisme, et sans doute pour très longtemps, peut-être
pour des siècles et des siècles, les Orthodoxes sont en mesure d'offrir pour le
partage œcuménique avec leurs frères d'Occident, un mode d'existence caractérisé
par le double refus de la morale juridique et de l'éthique individuelle ; et
surtout, si entrant dans l'isoloir, tu évoques la douce mémoire de l'Higoumène
Missael, et si tu te laisses envahir par la joie de contempler en rendant grâce
la convergence trop rarement remarquée entre le respect infini de la liberté de
tout homme qui comblait le cœur du P. Missael, et l'idéal démocratique et laïque
de n'asséner aucune vérité a une conscience qui refuse de l'accueillir, si tu
penses vraiment cela, je paraphraserai saint Augustin pour te dire en te
quittant: «Va et vote pour qui tu veux » !"
Père André Borrely
(in Conclusion de "Aux urnes citoyens" supplément au n° 141 de la revue "Orthodoxes à Marseille")
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