Homélie pour la fête de l'ASCENSION de Saint Jean CHRYSOSTOME (extraits)



" [...] Quelle est donc la fête que nous célébrons? elle est grande et auguste, mes très-chers frères, elle est au-dessus de toutes les pensées des hommes, et vraiment digne de la munificence de Dieu, qui en est l'auteur. C'est aujourd'hui que Dieu s'est réconcilié avec le genre humain; c'est aujourd'hui qu'une inimitié ancienne et une longue guerre ont été terminées; c'est aujourd'hui qu'a été cimentée pour nous cette paix admirable que nous n'aurions jamais espérée.[...]


[...] c'est en ce jour que Jésus-Christ a remis à son Père les prémices de notre nature dont il s'était chargé. Et comme dans un champ couvert d'une riche moisson, on prend quelques épis, on en compose une gerbe qu'on offre à Dieu, et que par cette légère offrande on attire sa bénédiction sur le champ tout entier : de même Jésus-Christ, par la chair unique dont il s'était revêtu, et par les simples prémices de notre nature, a fait bénir toute notre race.[...]
[...] Nous, cependant, qui étions stupides, dépourvus de sens et de raison, plus insensibles que la pierre, nous qui étions vils et dégradés, au-dessous de toutes les créatures.... comment m'exprimerai-je? comment rendrai-je ma pensée? notre nature qui était avilie et au-dessous de tous les êtres, par le défaut de raison et de sentiment, s'est élevée aujourd'hui au-dessus de tous. Les anges et les archanges ont vu aujourd'hui ce qu'ils désiraient de voir il y a longtemps : notre nature assise sur le trône du souverain Roi, resplendissante de gloire et brillante d'une beauté immortelle. C'est là, oui, c'est là le prodige après lequel les anges et les archanges soupiraient depuis tant de siècles. Et quoique nous fussions plus honorés qu'ils ne l'étaient eux-mêmes, cependant ils se réjouissaient de notre élévation, eux qui s'étaient affligés de notre châtiment [...]
 [...] Voilà pourquoi les anges paraissent, et lorsque Jésus-Christ vient au monde, et lorsqu'il ressuscite, et aujourd'hui qu'il monte au ciel : Deux hommes, dit l'Evangile, parurent vêtus de blanc, annonçant leur joie par la blancheur de leurs habits, et ils dirent aux disciples : Hommes de Galilée, pourquoi vous arrêtez-vous à regarder au ciel? ce Jésus, qui, en vous quittant, s'est élevé dans le ciel, viendra de la même manière que vous l'y avez vu monter. (Act. I, 10 et 11.)


[...] Suivez-moi, mes frères, avec attention Pourquoi tiennent-ils ce langage? est-ce que les disciples n'avaient pas d'yeux? est-ce qu'ils ne voyaient point ce qui se passait? l'Evangéliste ne dit-il pas qu'ils le virent s'élever au ciel? pourquoi donc des anges viennent-ils leur apprendre qu'il est monté au ciel? Pour deux raisons : la première, c'est que les disciples étaient continuellement affligés, quand ils pensaient qu'ils allaient être séparés de Jésus-Christ. Aucun, de vous, leur dit le Fils de Dieu dans l'Evangile (paroles qui confirment ce que j'avance), aucun de vous ne me demande ou Je vais; mais parce que je vous ai dit ces choses, votre coeur s'est rempli de tristesse. (Jean, XVI, 5 et 6.) Si nous ne nous séparons qu'avec peine de nos amis et de nos parents, comment les disciples, qui voyaient leur Sauveur, un Père doux et tendre, un Maître plein d'attention et de bonté, se séparer d'eux, comment n'auraient-ils pas été affligés; comment n'auraient-ils pas éprouvé la douleur la plus vive? Des anges paraissent pour les consoler d'une séparation pénible , par l'espoir d'un retour agréable : Ce Jésus, leur disent-ils, qui en vous quittant s'est élevé ait ciel, viendra comme il y est monté. Vous vous affligez parce qu'il s'est élevé au ciel; mais ne vous affligez plus, puisqu'il reviendra. Elisée voyant son maître quitter la terre, déchira ses vêtements, parce que, sans doute, il n'avait personne qui vînt lui dire qu'Elie reviendrait; afin donc que les disciples de Jésus ne s'affligent pas, à l'exemple de celui d'Elie, des anges viennent les consoler dans leur tristesse. Telle est la première raison pour laquelle les anges paraissent. La seconde, et qui n'est pas moins forte, est celle qui leur fait ajouter : Ce Jésus qui s'est élevé au ciel. Expliquons un peu cette raison. Il s'est élevé au ciel, et la distance étant infinie, la portée de leur vue ne pouvait suffire pour voir un corps s'élever jusqu'aux cieux. Mais comme un aigle qui vole en haut, plus il s'élève, plus il se dérobe à nos regards : de même, plus le corps de Jésus-Christ s'élevait, plus il se dérobait aux (257) yeux de ses disciples, dont la faiblesse ne pouvait franchir un espace immense. Les anges qui paraissent, leur apprennent donc qu'il est monté au ciel, pour qu'ils sachent qu'il y est monté véritablement, et qu'ils ne s'imaginent pas qu'il n'y est monté que comme Elie. Voilà pourquoi ils ajoutent : Ce Jésus qui en vous quittant s'est élevé au ciel, paroles dont ils ne se servent point au hasard. Elie, comme serviteur, n'a paru que s'élever au ciel; Jésus-Christ, comme Maître, s'y est élevé réellement.[...]


Elevons- nous donc, mes très-chers frères, et tournons les yeux de notre esprit vers le retour de notre Sauveur : Dès que le signal aura été donné, dit saint Paul, par la voix de l'archange, le Seigneur lui-même descendra du ciel. Et nous autres, qui sommes vivants, qui serons demeurés ici-bas jusqu'alors, nous serons transportés dans les nues pour aller au-devant du Seigneur, au milieu des airs, mais non pas tous. Car, pour vous convaincre que nous ne serons pas tous transportés dans les nues, mais que les uns s'élèveront dans les airs, et que les autres resteront, écoutez ce que dit Jésus-Christ : Alors, de deux femmes qui moudront à un moulin, l'une sera prise et l'autre laissée; de deux hommes qui seront dans un même lit, l'un sera pris et l'autre laissé. (Matth. XXIX, 40 et 41.) Que signifie cette énigme? que veut dire ce mystère caché? Par le moulin, Jésus-Christ nous désigne tous ceux qui vivent dans la pauvreté et dans la peine; par le lit et le repos, il marque ceux qui sont dans les richesses et dans les honneurs : et voulant nous montrer que parmi les pauvres, les uns seront sauvés, les autres périront, il dit que de deux femmes qui moudront à un moulin, l'une sera prise et l'autre laissée. De deux hommes qui seront dans un même lit, l'un sera pris et l'autre laissé, dit-il encore, voulant faire entendre que les pécheurs seront laissés pour attendre leur punition, tandis que les justes seront transportés dans les nues. [...]"